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La valeur des zones humides s'efface devant notre valeur du temps

Dernière mise à jour : 27 mars


Zone humide
© Unsplash

L'intérêt de préserver les zones humides fait consensus, à la fois sur le plan politique et sur le plan économique.


Pourtant, face aux projets d'infrastructures le plus souvent gérés par l'Etat, l'importance des zones humides devient relative. La valeur temps prend alors le dessus.


La valeur relative des zones humides


Les zones humides sont constituées par des marais, des étangs, des tourbières ou des forêts humides.


La Convention de Ramsar les définit au niveau du droit international comme "des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d'eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l'eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d'eau marine dont la profondeur à marée basse n'excède pas six mètres".


En France, RAMSAR vs aménagements


La France a signé la convention Ramsar en 1986 et 53 sites ont été labellisés depuis cette date. Si la reconnaissance existe pour ces sites, de nombreuses zones plus petites, des rivières ou des marais, la connaissance et la reconnaissance ne sont pas au rendez-vous.


Ces espaces restent souvent absents des plans d'aménagements du territoire et des Plui.


La nature renouvelable et inépuisable ?


On a toujours vécu en considérant que la nature était renouvelable et inépuisable. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. L’eau a toujours été au cœur d’enjeux politiques en termes d’aménagement et de commerce.


Le changement climatique accentue les enjeux autour de l'eau. Face au changement climatique, les zones humides jouent un rôle de plus en plus important dans la lutte contre les inondations et le stockage du carbone. A ce titre, elles ont une valeur souvent estimée avec une méthode de coûts évités ou substitués. Pourtant, il est possible d'estimer leur utilité économique.


Quelle valeur économique ?


lac de forêt

Un hectare de zone humide permet d'économiser entre 37 et 617 euros par an au titre de la lutte contre les inondations, entre 45 et 150 euros par an pour le soutien des débits d'étiage dans les cours d'eau en été.


Les bénéfices liés à la pêche peuvent être estimés à 120 €/an, la chasse à 330 €/an et les activités de loisir à 1 500 € /an.


On arrive à une valorisation de 2 700€/ha/an.


Par ailleurs, les tourbières stockent du carbone : cette valeur est estimée à 1 728€/ha/an dans un rapport du Centre d'analyse stratégique. On pourrait donc estimer l'utilité économique d'une zone humide autour de 3 400€/ha et par an.


C'est beaucoup plus que le prix moyen du fermage des terres nues.


Tous les bénéfices effacés par la valeur TEMPS


Comment expliquer alors que cette valeur s'efface face à la valeur du temps. Pour aller plus vite et plus loin, les projets d'infrastructures pour relier des métropoles se multiplient partout en France.


On remplace l'avion par des projets de ligne à grande vitesse très consommatrices d'espaces naturels. L'exemple le plus récent concerne le Grand Projet Ferroviaire du Sud Ouest - le GPSO-.


plan GPSO source SNCF
source SNCF

Le GPSO entraîne la destruction de plus de 6 000 hectares de terres, dont 1 300 hectares de terres agricoles, 3 300 hectares de forêts, 370 hectares de zones humides.


Treize sites Natura 2000 sont traversés. L'investissement est estimé aujourd'hui à 14 milliards d'euros pour un gain de temps de 1h05 entre Bordeaux et Toulouse et de 20 minutes entre Bordeaux et Dax.


Cela représente un investissement de 215 millions d'euros par minute entre Bordeaux et Toulouse ou un gain de temps par rapport à l'amélioration de lignes existantes de 166 millions d'euros par minute. Le temps représente donc pour nos sociétés une valeur inégalée.


Au milieu du projet se trouve la vallée du Ciron qui abrite une hêtraie de 40 000 ans, soit 21 milliards de minute environ, mais des minutes sans valeur. Si la hêtraie n'est pas directement touchée par l'emprise du projet, à l'inverse , le Ciron lui sera directement impacté et les conséquences sur la hêtraie ne sont pas connues aujourd'hui.


Comment expliquera-t-on aux générations futures qu'on a préféré gagner du temps entre Paris et Toulouse plutôt que de préserver une zone humide originale ? On leur dira qu'il faut aller vite, toujours plus vite et que ce projet du siècle avait pour objectif de diminuer notre impact carbone


On leur dira que les libellules existaient au XXIème siècle , qu'elles avaient 250 millions d'années d'existence mais que leur valeur du temps était nulle. On leur dira qu'il faut compenser la destruction de la biodiversité en plantant des arbres et que les porteurs de projet l'ont fait.


Pour le temps ? que dire ? La valeur de certains déplacements prime sur d'autres. Paris reste le centre du monde. On leur dira le train c'est bien. L'avion c'est nul, mais il faut les fabriquer pour notre balance commerciale. Qu'importe le reste, du moment qu'on gagne du temps. Le temps d'une vie, le temps de faire ou de détruire, le temps pour la postérité, mais pas le temps de la planète.


la libellule reine des zones humides
© Canva


Propositions : cartographier le plus vite possible nos zones humides et leur donner une valeur d'utilité publique, qu'elles soient puits de carbone, abris de la biodiversité ou espaces de loisir, parce que le temps pour les recréer n'est pas à notre échelle de vie.














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